«Car la jeunesse sait ce qu’elle ne veut pas avant de savoir ce qu’elle veut ». Jean Cocteau Les chiffres parlent d’eux-mêmes, malheureusement. Le chômage chez les jeunes flirte avec les 23% et la situation est plus qu’alarmante pour ceux qui sont sans qualification : le chômage atteint 40%. La génération des moins de 30 ans vit dans un univers où le mot « crise » revient en permanence. C’est une génération qui utilise les moyens d’informations qui ne sont plus la presse écrite mais l’Internet, la télévision. Tout leur monde est imprégné de ces images, de ces informations qui montrent une société dangereuse, mutante. Il est donc normal qu’ils ressentent une très grande angoisse comme le rappelait le philosophe Michel Serres. Cela n’a rien à voir avec les mouvements des années soixante-dix. Le chômage en 1972 touchait 320 000 personnes, le monde était ouvert, l’Europe en construction, la guerre n’était plus qu’un lointain souvenir. Cette jeunesse triomphante se battait pour plus de liberté et moins de rigidité de la société. Les slogans étaient influencés par le surréalisme : « Sous les pavés, la plage ».
Depuis toujours la jeunesse a cela de précieux qu’elle ne saurait jamais se résigner. Peut-être l’avons-nous un peu vite oublié… Elle est pleine d’ambition et souvent très impliquée dans les associations, dans l’entreprise de nouveaux projets. Elle est aussi en quête de sens dans un monde difficile : sida, faim dans le monde, problème environnementaux, guerres… D’où le refus de tout ce qui leur semble aggraver leurs situations, augmenter la précarité et obscurcir un peu plus un avenir qu’il craigne. A cela s’ajoute la préoccupation des jeunes venus de la deuxième et troisième génération des flux migratoires. La perception de tout ce qui n’est pas juste est grande : les chiffres énormes des bénéfices des grandes entreprises, l’argent facile, les tentations d’une société de consommation et les moyens dérisoires qui sont les leurs…S’ils rejettent aujourd’hui la politique, ce n’est pas tant sur le fond que sur l’image qu’elle donne d’elle-même. La forte mobilisation autour du CPE en est l’illustration parfaite. Las de la politique spectacle où tout est promis, rien n’est fait, des petits « bricolages » dont ils ne sont pas dupes, ils rejettent plutôt les hommes politiques qui n’incarnent pas à leurs yeux le changement, ne proposent aucune vision d’avenir. Pour autant, ils se mobilisent tout le temps contre l’injustice sociale. Depuis bientôt quatre ans, le gouvernement ne cesse de les pointer du doigt. Depuis bientôt quatre ans, tout, que ce soit dans les discours ou dans les actes, montre que la jeunesse ne représente pas un espoir qu'il faut encourager ni une chance qu'il faut promouvoir, mais bien au contraire un risque qu'il convient de limiter et dont il faut se préserver : caméras de surveillances et police dans les établissements scolaires, interdiction de regroupements dans les halls d’immeubles, propos insultants et répétés du Ministre de l’Intérieur et dernièrement le débat caricaturalement non maîtrisé sur le projet de loi relatif au droit d’auteur et plus particulièrement sur le « peer to peer ». Aveuglé par sa politique ultra sécuritaire et du tout répressif à l’encontre des jeunes et des personnes d’origine étrangère, le gouvernement stigmatise finalement toute une jeunesse et favorise la montée en puissance des violences.
Le projet de loi pour l’égalité des chances devait, en principe, proposer de nouveaux dispositifs pour les jeunes en difficulté et des solutions adaptées pour les discriminations dont sont victimes toutes celles et ceux habitant des quartiers défavorisés ou issus de l’immigration. Le projet de loi ne répond en rien à ces problèmes. Par amendement gouvernemental, il a été introduit le contrat première embauche (CPE) et cela sans qu’aucune concertation n’ait eu lieu avec les organisations syndicales et les organisations de jeunesse. En introduisant une période d’essai de deux ans et la possibilité de licencier sans motivation, il légitime la précarité. Cette loi introduit également l’apprentissage dès 14 ans et le travail de nuit des apprentis. Les jeunes ont très vite perçu cette tromperie à leur égard, les confirmant dans leurs réactions de rejet d'une société dont ils se sentent exclus et dont ils se sentiront encore plus exclus quand ils auront vécu la précarité qui leur est préparée. Il faut redonner confiance aux jeunes et leur permettre une véritable insertion professionnelle. C’est l’objectif du contrat Entrée dans la Vie Active (le contrat EVA). Beaucoup de jeunes avec un parcours de formation insuffisant, parfois chaotique, sans forcément avoir une idée précise de ce qu’ils veulent faire, ont besoin au préalable d’une écoute, d’une évaluation et d’une orientation. Cela est d’autant plus indispensable qu’il faut prendre en compte deux données incontournables. La première est l’évolution rapide des métiers et la deuxième, l’inversion des flux démographiques. C’est à partir de ce regard précis sur chacune des situations individuelles que l’on pourra proposer le contrat EVA. Cela doit également s’accompagner d’un travail qui n’a pas été réalisé : une étude prospectives des besoins dans les entreprises. Ce contrat s’adresse donc aux jeunes entre 18 et 25 ans, c’est-à-dire à un moment où certains sortent des de l’école secondaire ou d’études plus longues, mais également à des demandeurs d’emplois et des salariés qui sont sortis de l’école plus tôt. C’est un contrat qui s’équilibre entre droits et devoirs. Un droit à la formation, un droit à une première expérience professionnelle, un droit à une bourse ou allocation d’autonomie. Mais aussi des devoirs : s’engager à suivre les formations et études avec assiduité, rechercher un emploi, accomplir un service civil permettant des actions de solidarité. Il s’agit d’un véritable projet de société où chacun apporte sa contribution mais aussi sa générosité. C’est également le moyen de permettre à chacun de construire son propre projet de vie à son rythme, de démarrer dans la vie et faire des projets.
On ne peut pas vivre dans une société qui met au ban toute la jeunesse et sa diversité. On ne peut pas proposer une solution unique à tout le monde. Ecouter, s’adapter, comprendre des situations diverses et variées, proposer aussi des solutions adaptées à chacun pour pouvoir vivre ensemble. La jeunesse a besoin d’espoir. Elle rêve d’avenir, il est temps d’agir ! Martine AUBRY ( www.refomer.fr )
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