Espagne, l'avenir des indignés
Les élections espagnoles sont passées, mais les Indignés de la Puerta del Sol, à Madrid, ne comptent pas plier bagage. Comment leur mouvement peut-il évoluer? Notre correspondante est allée leur poser la question.
A l'atelier menuiserie, on donne des coups de marteaux à tour de bras. On fabrique des étagères, on rafistole des tables ou des chaises. 100% récup et recyclage, bien sûr. Sur la Puerta del Sol, les assemblées et les réunions de commissions se poursuivent. La vie suit la routine de plus en plus rodée qui s'est établie en une semaine dans le campement de bâches bleues des Indignés. Comme si le petit village autogéré de la rébellion s'installait pour durer. Pourtant du côté des coordinateurs du mouvement, on pense au départ.
"Sol, c'est le kilomètre zéro de notre résistance, explique Juan, photographe free-lance de 26 ans, qui est devenu l'un des piliers du mouvement. Mais on sait bien que notre temps d'installation sur la place a une durée limitée. C'est un lieu trop central et symbolique de la ville. On ne peut pas y rester."
"Le mouvement va muter"
Dimanche dernier, l'assemblée générale a voté la prolongation de l'occupation pendant une semaine, pour se donner le temps depréparer l'avenir du mouvement. "Il ne va pas s'éteindre, il va muter, affirme Jonathan, membre de la commission d'organisation du campement. On veut transférer les énergies etsortir dans les quartiers. On est en contact avec les associations pour organiser des assemblées locales... Les premières réunions auront lieu ce samedi 28."
Pendant ce temps, les rumeurs d'une expulsion imminentecourent sur le campement. Etre délogés par la police? "On n'y croit pas vraiment, affirme Edu, élève ingénieur arrivé avec son sac de couchage il y a cinq jours. On en a parlé avec les policiers qui surveillent les alentours. Ils savent qu'on a prévu d'être ici jusqu'à dimanche. Ils voient bien qu'on est un mouvement pacifique et personne ne veut chercher des images d'affrontement."
Dimanche 22, les élections municipales se sont soldées par un ras de marée de la droite, à un an des législatives. Constat d'échec en règle pour le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, qui fait les frais de la crise économique et du plan d'austérité accompagné de coupes sociales mis en marche depuis un an.
"Pour nous les élections ne changent rien, déclare Noelia, l'une des porte-parole du mouvement. On dénonce ce système de représentation politique, qui nous force à choisir entre deux fois la même chose, puisque la droite et la gauche appliquent la même politique économique. Au final c'est le système financier qui nous gouverne..."
Ce que les partis leur répondent...
Les partis politiques encaissent la critique à distance, pris de court par l'ampleur du mouvement. Du côté des socialistes on se borne à manifester une sympathie générique. A commencer par José Luis Rodriguez Zapatero, qui a déclaré "Si j'avais 25 ans je serais surement à la Puerta del Sol", comme si le mouvement n'était pas la critique en règle de sa propre impuissance en tant dirigeant de gauche.
A droite, un porte-parole du Parti Populaire compatit sur la "frustration" de la jeune au chômage et propose, presque sans ironie, de voter PP pour que ça change. "Seul Thomas Gomez, le candidat socialiste à la région de Madrid, a voulu nous rencontrer, juste avant les élections. On lui a dit que ce n'était ni le moment ni le lieu... c'est trop facile de jouer la récup." Depuis les élections, plus rien.
"Si quelque chose a bougé dans les partis, on aimerait bien le savoir", dit Juan. Mais s'ils misent sur l'extinction du mouvement, ils se trompent: "Quoi qu'il arrive maintenant, je crois qu'on a déjà gagné... on a levé les enthousiasmes. Il faut continuer les efforts, c'est un début magnifique et fort... mais maintenant il faut durer."