Vous direz : c’est tout de même mieux que le « changer la vie » des socialistes de 1981 - comme si on pouvait « changer la vie ! » C’est du prudent, du raisonnable, du bouclé (dépenses égale recette), mais est-ce que ça répond aux menaces économiques ?
Premier aspect : l’impôt. Moins de prélèvements sur les salaires, plus de prélèvements sur le capital, les dividendes, les rentes. Fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans un grand impôt progressif. Impôt sur les sociétés rabaissé à 20% pour les bénéfices réinvestis, relevé à 40% pour les bénéfices distribués. Les produits dont la fabrication et le transport polluent le plus seraient frappés d’une TVA plus importante. La défiscalisation des heures sup est supprimée. La baisse de la TVA sur la restauration est (peut-être) supprimée. Rien à dire
Les entreprises : les salaires des patrons des entreprises publiques plafonnés à 20 fois le Smic. Les salariés entrent aux conseils d’administration. Les aides de l’Etat sont réservées à des entreprises ayant signé des convention d’égalité entre hommes et femmes. Rien à dire.
Les petites entreprises : une Banque publique d’investissement est créée regroupant les moyens d’Oséo (soutien aux PME, 25 milliards de financements en 2009), du Fonds stratégique d’investissement, de la Banque postale et de la Caisse des dépots. Rien de neuf. La Caisse des dépots finance déjà Oséo et le FSI.
Emploi : création de 300000 emplois jeunes, requalification des stages, mise en place du CV anonyme. Très bien. Création d’une allocation d’autonomie pour les jeunes ? A voir... Logement : encadrement des loyers (pas terrible, voir la loi funeste de 1948 qui bloqua les loyers). Politique énergétique : rien. Protectionnisme ? rien de précis, de toutes façons la hausse des droits pour protéger l’Europe relève de l’Europe elle-même et non des Etats.
Pour l’instant le programme du PS est un exercice budgétaire et comptable recettes égale dépenses. Ce n’est pas rien : c’est du solide préparé par les énarques de gauche à Bercy. C’est bon à court terme (c’est d’ailleurs le terme d’un budget). On attend donc avec impatience le long terme (santé, éducation – on sait que le PS veut mettre le paquet sur l’école primaire – et recherche). On attend l’abrogation de la loi Hadopi, l’effort en faveur du logiciel libre etc.
Mais à moyen terme, le projet ne sort pas le pays de la panade. Le pari des libéraux est la baisse du coût du travail, le pari des socialistes la hausse de la productivité. Dans les deux cas on demeure dans le vieux schéma de la compétitivité (la compétitivité vue par la droite ou par la gauche) dans la guerre économique. Or la guerre économique est perdue. On peut, peut-être, stabiliser le front contre l’Allemagne et l’Italie, qui ont beaucoup moins souffert de la désindustrialisation que nous (la production automobile a chuté de 50% en France de 2005 à 2009 ; l’industrie a perdu 2 millions d’emplois en trente ans), mais à moyen terme l’Allemagne et l’Italie seront aussi ruinés par les pays émergents. Or la croissance des émergents va provoquer une énorme crise des matières premières et de l’énergie. Question : quelle est notre politique de l’énergie ?
Question 2 : peut-on envisager un modèle différent du modèle de la guerre économique ? « Alternatives Economiques » dans son dernier numéro réponds oui : « Energie, pollution, consommation, il faut changer de modèle ! » C’est bien joli, mais c’est décider de se munir de sagaïes quand les autres fabriquent des tanks. La seule chance du pacifiste dans un monde en guerre, est de pouvoir rester hors du champ de bataille. Comment rester hors du champ de bataille dans une économie mondialisée ? Elever des chèvres à Saint-Girons ?
C’est sans doute une solution partielle. Il faut donc être à la fois pacifiste et gagner la guerre, ce qui est une sacrée gageure ! Et pourtant c’est possible : « Celui qui excelle à vaincre ses ennemis triomphe avant que les menaces de ceux-ci ne se concrétisent” (Sun Tsé)